♦ ABIGAÏL & GRACE

Grace avait passé une nuit affreuse cette nuit-là. En effet, elle s’était sentie on ne peut plus mal, et n’avait pas voulu réveiller son mari, profondément endormi. Elle n’avait d’abord pas trouvé le sommeil jusqu’à trois heures du matin passés, et par la suite, lorsqu’elle avait finalement rejoint Morphée, elle avait cauchemardé, ce qui la réveilla en sursaut. De quoi parlait son cauchemar ? Et bien, elle était au plus mal à cause de son cancer, et se retrouvait dans un lit d’hôpital, plus faible et mal en point que jamais, jusqu’à ce que toute sa petite famille entre dans la chambre. Le pire arriva lorsque le petit dernier, Cameron entra dans la pièce et cria d’horreur en voyant le visage pale de sa mère et sa perte de poids, juste avant de s’enfuir. C’est à ce moment là que Grace s’était réveillée haletante et en sueur. Prenant ses jambes à son coup, elle s’était levée, tandis que son réveil affichait les cinq heures du matin. Elle voulut d’abord se promener dans le parc, mais elle ne s’en sentait malheureusement pas la force, d’une part physiquement, et d’autre part, car psychologiquement, à cause de ce cauchemar. Car oui, il était en partie vrai, puisqu’elle n’avait pas encore annoncé à son fils qu’elle avait un cancer, redoutant sa réaction, et ne trouvant ni les mots, ni les bons moments pour ce faire. Imaginer qu’il puisse s’enfuir en courant et hurler de la sorte la rendait encore plus malade. Finalement, elle prit un petit déjeuner, ainsi que ces médicaments, et s’installa sur le canapé en regardant un peu la télé, chocolat chaud en main, en attendant que la maison s’éveille, petit à petit. Vers six heures et demie, son mari se leva, et alla l’étreindre tendrement, et déposer un tendre baiser sur son front, tout en lui demandant pourquoi elle était débout si tôt. Grace lui raconta alors son cauchemar, et son état de santé actuel. Ils discutèrent pendant près d’une heure, de tout et n’importe quoi. Puis, il lui conseilla d’aller s’habiller et de sortir prendre l’air pour se revigorer un peu, lui assurant qu’il s’occuperait du petit déjeuner des enfants qui n’allaient pas tarder à se réveiller puisque c’était son jour de congé. Grace sourit, embrassa son mari, débarrassa ses affaires et alla s’habiller, se rendant compte de la chance qu’elle avait d’avoir un mari comme le sien.

Elle fut prête lorsque les plus grands se réveillèrent. Ceux-ci regardèrent bizarre Grace et Cooper, leur demandant s’ils avaient échangés leur rôles pour la journée, et n’hésitant pas à charrier leur père. Grace resta un peu avec eux, et ils rigolèrent tout les quatre ensemble, jusqu’à ce que Cameron se réveille à son tour, et descende l’escalier encore tout endormi. Grace se dirigea vers lui, le porta tant bien que mal, et déposa un long et bruyant baiser sur sa joue, puis le reposa par terre. Cameron s’enquit de sa pâleur et lui demanda ce qu’elle avait. Grace, ne se sentant pas prête pour tout lui avouer, lui déclara simplement qu’elle était fatiguée et qu’elle avait très peu dormi, et qu’aujourd’hui, c’est papa qui allait s’occuper de les emmener à l’école. Elle resta encore quelques minutes avec tout le monde, discutant un peu, puis, s’en alla se balader. À peine sortie de la maison, elle envoya un texto à Abigaïl, une bonne amie à qui elle n’hésitait pas à demander conseil, surtout lorsqu’il s’agissait des enfants.

« Coucou Abi. J’espère que je te ne dérange pas trop. Es-tu libre aujourd’hui ? J’aurais bien besoin de parler. Je vais au parc, si tu veux m’y retrouver n’hésite pas. Grace. »

Sur ce, Grace se dirigea vers le parc, profitant au maximum de l’air frais du matin, marchant lentement, emplissant ses poumons d’air pur, tout en essayant de mettre son cauchemar de côté, et se demandant si Abigaïl viendrait, car, vu l’heure, elle devait être très occupée avec les enfants, elle aussi. Au pire, elle attendrait, de toute façon, l’air pur ne pouvait lui faire que du bien !

♦ ABIGAÏL & GRACE

Après une nuit des plus épouvantables, cauchemardant de quelque chose qui commençait à l’effrayer de plus en plus, car elle savait que si elle n’agissait pas bientôt, ce cauchemar risquait de devenir réalité, la jeune femme avait passé un peu de temps avec sa famille à l’heure du petit déjeuner, puis était sortie prendre l’air. Entre le cauchemar et son état de santé qui n’était pas au mieux aujourd’hui, elle avait bien eu besoin de prendre un grand bol d’air frais. La jeune femme, à peine sortie de chez elle avait envoyé un texto à l’une de ses amies, Abigaïl, lui demandant si elles pouvaient se retrouver au parc. Grace avait l’intention de lui demander conseil, ou, en tout cas, d’avoir un avis extérieur que celui de son mari ou le sien, à propos de la situation qui leur posait problèmes. Tout en marchant vers le parc, la jeune femme entendit son téléphone sonner dans sa poche. Elle le sortit, et lu le message d’Abi. Parfait ! Elle n’était pas occupée, et elles allaient se retrouver à leur endroit habituel d’ici quelques minutes. Parler avec Abi, faisait toujours du bien à la jeune femme, que ça soit pour un conseil, un avis, ou autre. Comment ne pas apprécier la jeune femme après tout ? Abi est généreuse, à l’écoute, souriante, et elle dégage un petit truc qu’on a bien du mal à définir, mais qui est plus que positif. Grace appréciait beaucoup cette femme, et non seulement parce qu’elle pouvait comprendre mieux que quiconque combien c’était difficile d’être mère dans une famille nombreuse, mais parce qu’elle a la main sur le cœur, tout simplement.

Grace entra dans le parc, et se mit à suivre les petits sentiers, allant parfois à droite, parfois à gauche. Elle connaissait à présent le chemin par cœur, et il était devenu un automatisme. Du coup, elle observait les quelques personnes déjà éveillées, même si elles étaient rares vue l’heure quelque peu matinale. Elle croisait surtout des joggeurs, qu’elle enviait secrètement. Il faut dire que Grace aimait beaucoup courir le matin, très tôt, avant que toute la maison ne prenne vie. Aujourd’hui, elle aurait aimé pouvoir se défouler en joggant un peu, mais son cancer en avait décidé autrement, et le contredire et le défier n’était surement pas la meilleure chose à faire… Croisant les bras, légèrement frustrée à l’idée de devoir suivre les « envies » de son cancer, elle continuait à marcher, lentement pour ne pas trop dépenser d’énergie car un malaise était si vite arrivé. Déjà la semaine dernière, elle avait été prise d’intenses et longs vertiges alors qu’elle était au supermarché avec Lachlan et Ava. Heureusement que le petit Cameron n’avait pas été là... Les deux grands l’avaient aidé tant bien que mal, mais là, elle se retrouvait seule, ou presque. Grace venait d’arriver aux balançoires, là où elle avait rencontré Abi, il y a quelques années déjà, et la vit assise sur un banc. Visiblement, elle avait l’air dans les nuages, préoccupé par quelque chose, puisqu’elle ne remarqua pas la présence de Grace. Celle-ci voulu s’excuser pour son retard, et en profita pour lui faire remarquer sa présence.


GRACE ▬ Hey ! Je suis désolée, j’ai mis un peu de temps à venir. Tu es là depuis longtemps ?

Remarquant la petite mine d’Abi, Grace se dit qu’elle n’avait pas du dormir, ou très peu, un peu comme elle en fait. Peut-être une simple insomnie, peut-être que quelque chose de plus grave s’était passé. Si tel était le cas, Grace ne la pousserait pas à parler, car elle n’aimait pas ça. Elle tenterait simplement de lui faire comprendre qu’elle était là pour elle si elle en avait besoin.


GRACE ▬ T’as une petite mine tu sais. Est-ce qu’il s’est passé quelque chose ? dit-elle en lui prenant la main.

♦ ABIGAÏL & GRACE

Grace était allée au parc, pour retrouver Abigaïl, à laquelle elle avait, au préalable envoyer un message, pour savoir si elle avait un peu de temps à lui consacrer. Sur le trajet, marchant lentement pour ne pas s’épuiser trop vite, car, à première vue, aujourd’hui n’était pas ce qu’elle appelait un de ces bons jours, Grace avait observé les quelques gens déjà éveillés, faisant pour la plupart leur footing matinale. Elle n’avait pu s’empêcher d’être jalouse. Elle aussi serait là, en train de courir un peu, histoire de se réveiller et de faire le vide, si elle le pouvait. C’était sans doute ça qui la tuait le plus. Ne plus pouvoir être aussi active qu’auparavant, car oui, elle devait se ménager. Pourtant, avec trois enfants à la maison, dont deux en pleine adolescence, elle avait déjà beaucoup à faire. La sport, ainsi que la lecture, étaient les seules activités qui lui permettait de s’oublier un peu, de s’évader. Cela lui faisait du bien. En conséquence, être privé de sa dose de sport était un véritable supplice pour la jeune femme. Mais elle devait faire avec, comme toujours. Elle priait aussi pour qu’elle gagne contre la maladie, espérant qu’elle pourrait toujours continuer ses activités dans six mois, dans un an, dans dix ans. Lorsqu’on l’on a affaire à la maladie, cette incertitude est insupportable, surtout lorsque l’on sait qu’un jour, on peut aller très bien, et le lendemain, être entre la vie et la mort. La maladie frappait à n’importe qu’elle moment et pouvait, si elle le désirait, être fulgurante, et vous frapper en plein fouet, alors que personne ne l’avait vu venir. D’un jour à l’autre, tout peut arriver. Mais son cancer n’avait pas apporté à Grace que de mauvaises choses. Au contraire, grâce à lui, elle s’était rendu compte qu’il fallait profiter de chaque instant, même les plus petits, les plus insignifiants. Un petit mot doux glissé dans son oreille, un baiser sur le front, une parole réconfortante, un sourire, un éclat de rire, etc… Oui, aujourd’hui, Grace essayait de savourer tout ces petits moments, et d’en profiter au maximum, car, peut-être que prochainement, elle n’en aurait plus jamais l’occasion. Qui sait ?

Arrivée au point de rencontre, sur un banc, près des balançoires, là où les deux jeunes femmes s’étaient rencontrées, Grace vit son amie, assise et perdue dans ses pensées. S’excusant, tout en faisant remarquer à son amie sa présence, la jeune femme lui demanda si elle était là depuis longtemps. Quand Abi sortie de ses pensées, elle lui répondit que non, qu’elle venait d’arriver. Ouf ! Grace se serrait sentie quelque peu mal à l’aise et gênée si elle avait faite attendre longtemps Abigaïl. En entendant sa réponse, elle se sentie donc très soulagée, et se contenta de hocher la tête. Grace remarqua bien que quelque chose n’allait pas chez son amie, car elle avait mauvaise mine, et lui demanda s’il s’était passé quelque chose, ce à quoi Abigaïl répondit que Walter et elle s’étaient disputés.

GRACE ▬ Si je peux faire quoi que ce soit, n’hésite pas.

Abigaïl voulu, par la suite, savoir ce qui amenait Grace ici, et donc, la raison de leur rendez-vous. Sur le coup, la jeune femme ne savait pas par où commencer, ni même si elle avait la force de lui faire part de ses doutes, ses questions, ses anxiétés. Inspirant profondément, tout en fixant les balançoires, et voyant mentalement l’image de son plus jeune fils, Cameron, en train de s’amuser sur celle-ci, croyant qu’il volait, la jeune femme se lança.

GRACE ▬ Hum. Je ne sais plus si je te l’ai déjà dit, en même temps j’essaye de mettre ce « détail » de côté et de l’oublier tant bien que mal, mais j’ai un cancer. Les plus grands le savent, et me soutiennent. C’est bizarre, mais je trouve que ça nous rapproche un peu plus. Tu sais, au début, Zayne et Ava surtout, ne m’ont pas accepté, ni même Coop’, parce qu’on n’est pas leur parents biologiques. Mais maintenant, j’ai l’impression que ça va mieux de ce côté-là. Un peu ironique comme situation, non ?

Elle soupira quelques instants en repensant à toutes les épreuves que Zayne et Ava lui avait faites passer. Ils lui en avaient fait voir des vertes et des pas mûres, ça c’était certain ! C’était bizarre mine de rien. Lorsqu’une tragédie s’abat sur une famille, parfois, elle pouvait les rapprocher les uns des autres. Etrange.

GRACE ▬ Bref. Le problème, c’est que le temps avance et qu’on a toujours pas trouvé le temps, ni la façon de le dire à Cameron. Comment lui faire comprendre ? Et s’il était effrayé ? Qu’il ne me regardait plus de la même façon ? Qu’il s’éloignait ? J’ai peur de tout ça, mais cette nuit, j’ai fait un cauchemar. Il découvrait mon état de santé alors que j’étais à l’hôpital, et il a eu peur, à hurlé et s’est enfui. Je ne veux pas qu’il l’apprenne de cette façon, mais, je ne sais pas comment lui dire. Comment annoncer quelque chose d’aussi affreux à un enfant ? Comment lui dire que, je risque de partir, de mourir, et que même si un jour ça va, cela ne veut rien dire ? Je suis perdue…

Grace avait à présent les larmes aux yeux. Elle avait du mal à en parler, déjà en général, mais révéler tous ses doutes, toutes les questions qu’elle se posait, se mettre ainsi à nu, lui était encore plus difficile.

♦ ABIGAÏL & GRACE

La vie était bien souvent trop compliquée et nous réservait à tous bien des surprises. N’importe quoi pouvait se produire n’importe quand, et il tout le monde pouvait en être touché. Grace l’avait bien compris. Cela avait commencé jeune, lorsqu’elle eu son accident, où elle faillit y laisser sa vie. Ce jour-même où elle rencontra l’homme de sa vie, celui qui depuis ne la quittait plus. Par la suite, il y avait eu l’accident de la sœur de Coop’, et ses trois enfants que tout deux devaient élevés. Dès cette époque, les choses allèrent de mal en pis. Puisqu’aucun d’eux, à l’époque ne les considéraient comme ses parents. Mais avec le temps, Lachlan se rendit compte de la chance qu’il avait d’avoir Coop’ et Grace à ses côtés. Aujourd’hui, Zayne n’a pas changé d’avis, mais Grace ne l’en blâme pas. En ce qui concerne Ava, elle la considérait à présent comme une vraie mère, ce qui n’était pas le cas au début, sans doute à cause de l’influence de l’ainé. Grace avait toujours voulu avoir une famille, et des enfants, mais les médecins lui avaient dit que ces projets là ne pourraient jamais être à l’ordre du jour, tout du moins pas comme elle l’espérait. Malgré tout, elle tomba miraculeusement enceinte. Ce fut une des meilleures choses qui lui soit arrivé. Puis, elle avait décidé d’ouvrir sa propre librairie, malgré les risques que cela comportait. Et enfin, on lui avait diagnostiqué un cancer. Au final, sa vie avait toujours été bien mouvementée, mais elle ne regrettait rien de ce qu’il lui était arrivé, et si c’était à refaire, elle ne changerait rien, non, strictement rien.

Assise sur un banc à l’aire de jeu du parc en compagnie de son amie, elle tenta de lui expliquer ses peurs en ce qui concerne sa maladie et la façon de l’annoncer au petit dernier. Ses peurs empiraient de jour en jour, au fur à et mesure que le temps passait, et le cauchemar qu’elle avait eu cette nuit ne l’avait en rien aidée. Grace voyait bien que son amie n’allait pas bien également, qu’il se passait quelque chose, mais elle n’avait pas envie de la forcer à en parler, et elle lui fit simplement comprendre qu’elle était là pour elle si elle en avait besoin. Ce serrait toujours le cas d’ailleurs, quoi qu’il arrive. La jeune femme avait d’abord évoqué l’ironie de la situation en ce qui concerne le comportement des plus grands, enfin surtout d’Ava. Lorsqu’elle repensait à l’époque où l’adolescente était plus jeune, et qu’elle lui faisait la misère, alors qu’aujourd’hui elles étaient proches, c’était on ne peut plus bizarre. Abi lui répondit qu’ils avaient peur de la perdre, que le pire les faisait réagir. Elle n’avait pas tord.

GRACE ▬ T’as raison, mais, on n’était pas comme ça avec nos parents, nous, si ? Enfin, les générations évoluent, mais ça me dépasse un peu.

S’il y avait bien une chose que Grace ressentait coûte que coûte, c’était ça. Elle se sentait toujours dépassée, et ne savait jamais si ce qu’elle faisait, ou la façon dont elle se comportait avec ses enfants était la bonne. Non, à ce niveau là, elle n’avait pas vraiment confiance en elle. En même temps, une « vraie » mère éduque ses enfants du début à la fin, alors qu’ici, c’était différent. C’était la sœur de Coop’ qui les avaient éduqués. Zayne avait 10 ans à l’époque, Lachlan 8 et Ava 5, mais ils avaient connus une certaine éducation, et il se pouvait que celle que Coop’ et Grace leur avait enseignée était différente, et peut-être pas la meilleure. Elle doutait. Toutefois, la mère de famille avait poursuivit son récit, en lui faisant part de ses peurs à propos de sa maladie et de Cameron. Pleins de questions se bousculaient dans sa tête, ce qui n’avait pour effet que de la rendre encore un peu plus confuse. Son amie lui prit la main, ce qui eu pour effet immédiat de lui réchauffer le cœur, et de faire apparaitre un léger sourire sur ses lèvres. Cela lui faisait du bien d’être écoutée et conseillée par son amie, qui pouvait tenter de comprendre ce qu’elle vivait, puisqu’elle avait elle aussi beaucoup d’enfants.

GRACE ▬ Tu as raison, encore une fois. Mais, j’ai tellement peur, tu comprends. Et puis, tu connais les enfants, ils posent toujours des questions et ont bien souvent du mal à s’arrêter. Et si je ne trouvais pas de réponse à lui fournir ? Et... Et… Et si j’allais vraiment mourir, hein ? J’ai tellement peur. Je ne veux pas les laisser…

Cette fois-ci, elle pleurait pour de bon, n’empêchant pas le moins du monde les larmes de couler sur ses joues. La mort effrayait tout le monde à près tout, personne ne pouvait donc la blâmer pour ça.

Spoiler:

♦ ABIGAÏL & GRACE

La mort et la maladie étaient des sujets très délicats à traiter, surtout avec des enfants en bas âges. Mais ces deux sujets étaient aussi on ne peut plus effrayant, pour les adultes, comme pour les enfants. Oui, tout le monde avait peur de mourir, et ceux qui prétendaient le contraire devaient sans doute se mentir à eux-mêmes. Ce n’était pas nouveau que l’être humain soit effrayé par le changement, et l’inconnu. Après tout, après la vie, après la mort même, qu’y a-t-il ? Personne ne le sait, puisque les morts ne sont jamais revenus. Le monde va continuer de tourner, sans nous. On laisse dernière nous notre famille, nos amis, nos proches. Pour eux, la vie continue, mais que se passe-t-il pour nous ? Tout le monde y a déjà pensé, au moins une fois dans sa vie. Oui, c’est effrayant. Et Grace, elle aussi, était on ne peut plus effrayée à cette idée. La vie continuera, sans elle. Comment Cooper s’en sortirait-il avec les enfants ? Et si, du fait d’avoir perdue sa femme, il sombrait dans une dépression ? Qu’adviendrait-il ? Mais bon… Avec des « si » on pouvait refaire le monde. C’est vrai, puisqu’il existe des milliers de possibilités. Une conséquence dépend d’un choix, mais que se serait-il passé si le choix avait été différent ? Au final, tout est lié. Un peu de philosophie ne fait pas de mal… Personne ne pouvait la blâmer pour ses peurs, mais, elles n’étaient pas faciles à oublier, à mettre de côté. Malgré tout, Abi était là pour la rassurer. Elle l’écoutait, c’était déjà énorme aux yeux de Grace. Elle était là pour elle, et ça, ça lui réchauffait le cœur. Quelle bonne petite thérapie que de savoir ses amies à vos côtés. Mais elle ne faisait pas que l’écouter, elle lui donnait des conseils, et de très bons et très vrais.

Grace, perdue dans ses pensées, avait fait ce qu’on appelle aujourd’hui, une boulette... Elle avait complètement oublié que son amie avait perdue ses parents très jeunes. Elle avait été absorbée par ses pensées en ce qui concernait les différences des générations, et avait commit cette maladresse. Ce ne fut que lorsqu’Abi lui répondit qu’elle réalisa sa boulette, et s’empressa de s’excuser.

GRACE ▬ Pardon, Abi, je suis désolée, j’avais complètement oublié… Excuse-moi.

Abi aussi en avait vu des vertes et des pas mures dans sa vie. Parler de mort n’était peut-être pas la meilleure chose à faire sachant que ses parents étaient morts lorsqu’elle était jeune. Oui, elle allait changer de sujet, il le fallait. En général, elle faisait beaucoup plus attention à ce qu’elle disait, mais cette fois-ci, elle s’était laissée emportée par ses émotions, ses peurs, ses doutes… Et maintenant, elle se sentait très mal de lui avoir refait penser à cette période de sa vie. Par la suite, Abi lui assura qu’elle allait s’en sortir, ce que Grace espérait. Bien sûr, elle se battrait jusqu’au bout, car elle n’avait résolument aucune envie de laisser sa famille seule. Non. Impossible.

GRACE ▬ Merci d’être là. Croisons les doigts. Je me battrai, c’est certain. Du Nutella ! Quelle bonne idée ! On résout tout les problèmes avec du Nutella ! Je crois qu'en rentrant, je vais en manger un peu dit-elle en souriant. Merci, encore une fois, de m’écouter, et de m’aider. Je ne te remercierai jamais assez. Tu sais que tu peux également compter sur moi, quoi qu’il arrive, n’est-ce pas ? Après tout, c’est le « boulot » des amies ça. Écouter, aider, mais sans juger.

♦ ABIGAÏL & GRACE

On disait souvent de Grace qu’elle était une femme courageuse, de part sa façon d’affronter la vie, coûte que coûte, et sur tout les fronts. Elle gérait tant bien que mal sa vie de famille, ainsi que sa vie de couple, car pour elle, essayer de conserver cette flamme, malgré les enfants, et se retrouver en amoureux de temps en temps comptait beaucoup. En plus, il y avait sa maladie qu’elle essayait de gérer au mieux, ainsi que sa librairie qui devait tourner, tant bien que mal par moment, et c’était sans compter tout le boulot à faire à la maison. Ménage, repas, courses, et j’en passe. Sans oublier de passer du temps avec ses amies. Bref ! Grace menait en fait, plus ou moins, une vie de femme d’affaire. Elle courrait à droite, puis à gauche, et encore à droite. Elle avait à peine le temps de souffler, mais pourtant, elle ne s’en plaignait pas. C’était ça, la vie de femme. Aujourd’hui, elle s’était quelque peu lâchée. Elle avait laissé les enfants à son mari qui allait s’en occuper, et elle était allée retrouver Abi pour discuter, pour essayer d’y voir plus clair. En ce moment, elle doutait de tout, et ne savait plus comme gérer la situation. Surtout avec Cameron qui ne devait pas comprendre pourquoi sa maman était régulièrement fatiguée et beaucoup moins disponible.

Abi était une femme merveilleuse qui l’avait aidé, avec des mots simples. Oui, elle avait bien eu raison, elle devait en parler à Cameron avant qu’elle perde le contrôle – si contrôle il y avait – de la situation. Oui, Cooper et elle devaient lui en parler, le plus rapidement possible. Et comme Abi l’avait si bien dit, si jamais il posait trop de questions, un peu de Nutella, ou de bonbons, et le tour serait joué, pour un moment en tout cas. Dès ce soir, elle rentrerait et irait dire à Coop’ que le temps était venu et qu’il fallait qu’ils en parlent à Cameron, qu’elle s’en chargerait prochainement. Grace avait fait une boulette en parlant de leur propre adolescence et de la relation qu’elles avaient avec leurs parents, en oubliant qu’à cette époque Abi n’en avait plus… Elle venait de s’excuser, et Abi lui répondit que ce n’était pas grave.

GRACE ▬ Si, c’était maladroit de ma part, et j’aurais du m’en souvenir, c’est juste que j’y ai pas pensé sur le coup, mais voilà… C’était indélicat de ma part, j’en suis désolée.

Ca c’était tout Grace. Toujours à s’excuser des centaines de fois après avoir fait une maladresse. On ne la referait pas ! Mais mieux valait s’excuser plus que de raison que de ne pas le faire du tout, non ? Abi l’avait serré dans ses bras, l’enlaçant pour la réconforter. Cela avait bien marché, car à présent, elle avait beaucoup moins peur de parler à son fils de sa maladie, même si ce ne serait sans doute pas facile, loin de là. Grace la remercia une nouvelle fois, pour ses conseils et son aide, tout en disant que c’était le boulot des amies d’écouter, d’aider, le tout sans juger. Si Abi avait besoin de se confier, de lui demander de l’aide, Grace serait là pour elle, quoi qu’il arrive.

GRACE ▬ Oui, sans juger. Après tout, on a tous fait des choses dont on n’est pas fier, mais ce sont ces erreurs qui nous font évoluer et nous font devenir de meilleures personnes. Parfois, on croit que c’est la seule solution, ou la meilleure, alors on se lance là dedans, mais quoi qu’il arrive, on reconnait nos ami(e)s dans ces moments là. Ceux sur qui tu peux compter sont là et le resteront, et les autres s’en vont, et ne reviennent plus, malheureusement, mais ça nous évite de nous désillusionner plus longtemps. En tout cas, moi je serais là, quoi qu’il arrive, je te le promets. Et je suis du genre à tenir mes promesses, tu le sais bien.