Dos tourné à son père, Emma ferma avec rapidité les yeux : elle savait que ses parents lui laissaient continuer la danse parce qu’ils avaient conscience que c’était, quasiment, devenue vitale pour elle. Elle n’avait, cependant, pas l’impression qu’ils prenaient ses désirs vraiment au sérieux ; plusieurs fois déjà, elle avait soumit son souhait de devenir une grande danseuse, reconnue - ou pas, d’ailleurs. Mais, jamais ils ne c’étaient réellement attardés sur son choix de poursuivre dans cette voie. Ils pensaient, sans doutes, que cette idée avait été mise de côté depuis leur dernière conversation sur le sujet. Aussi, c’était loin d’être le cas et la réponse de son père doucha Emma qui s’agenouilla près du lave vaisselle, faisant mine de ramasser un couteau tombé sur le sol ;

Elle chercha en vain un moyen de reprendre du poil de la bête en continuant la conversation mais, elle aurait volontiers admit que cette foutue réponse lui avait seulement donné envie de pleurer et couper court à tout bavardages ; si son père savait qu’elle avait l’intention de partir aussi loin d’eux. Se mordillant le bout de la langue, la blondinette se releva avec grâce et fronça les sourcils en se tournant de demi profil vers Christer. Sa voix délicieusement éraillée se fit entendre et elle pencha la tête en glissant le couteau dans la partie du lave vaisselle réservée aux couverts, tâchant de paraître la plus naturelle possible :

« N’empêche que, même si je la hait, elle mérite de faire ce qu’elle veut. Je veux dire par là qu’elle est bonne élève et plutôt raisonnable aux points de vue des sorties, de son comportement et tout ces genres de trucs barbants auxquels vous accordez de l’importance, vous les parents. Donc, elle a le droit de poursuivre sa voie. » Relevant ses jolis yeux brillant, elle haussa les épaules et ferma d’un coup de pied la porte du lave vaisselle, feignant une attitude plutôt décontractée. « Enfin, j’sais pas. J’suis sans doutes pas assez mature pour comprendre le point de vue tordue des parents… c’est tout un art de pourrir la vie de ses mômes, je suppose. »

Même si elle souhaitait garder les véritables causes de sa soudaine insolence pour elle, la jeune fille se sentie plus ou moins grillée mais, ne fit rien pour aggraver son cas ; c’était vrai, bon sang, elle n’avait jamais dépassée les bornes ! Elle pouvait être franchement agaçante parfois, simplement la seule chose qui se mettait entre elle et ses parents c’était son orientation ! A quoi bon être avocate, sérieusement ? Si ce n’était pour faire plaisir à ses parents… elle n’en voyait, d’ailleurs, pas l’intérêt puisque eux le lui gâchait, son plaisir. Bouillonnant intérieurement, Emma attrapa avec vivacité le reste de lasagnes qu’elle avait passé au four puisque, comme toujours, il n’y avait personne pour préparer à manger dans cette satanée maison et pencha la tête, en présentant l’espèce de truc en aluminium quasiment vide à son père, ses yeux scrutant le plafond avec une désagréable impertinence :

« On le garde ou ton abruti d'égoïste de fils va se relever vers trois heure du mat' pour engloutir les restes. » Articula-t-elle tout en balançant sans attendre la réponse de son père le plat à la poubelle et commençant à quitter la pièce sans finir de débarrasser. « Puis je m’en fous, de toute façon. »