Ah la fratrie. Qu’aurait bien pu faire Emma Andersen sans ses frères et sœurs ? Plein de choses et c’est ça qui l’énervait ! Elle ne regrettait pas vraiment le fait de ne pas être fille unique, elle se disait qu’elle se serait sans doutes ennuyée ferme sans crier sur ses frères et sœurs mais, n’empêche que si elle n’avait pas tout le temps à faire attention à eux, elle serait, par exemple, à cet instant précis en train de profiter de la grande salle de danse du centre ville vide et qui n’attendait qu’elle ! Au lieu de ça, elle se gelait les fesses dans son uniforme du lycée à attendre son écervelé d’ imbécile de petit frère de quinze ans ; quand Abigaïl avait demandé à Emma de venir chercher Neal au collège, l’adolescente avait râlé : sérieusement, il était assez grand pour rentrer tout seul, il le faisait tout le temps. Mais, le fait que sa jolie maman ajoute qu’il était puni la ravit quelques peu et c’est pleine d’un léger sentiments d’allégresse et d’un sourire aux lèvres qu’elle reprit la route vers le centre ville sans prendre la peine - un exploit - de quitter son stupide uniforme moche et délavé. Emma ne savait pas ce qu’avait Neal, elle s’en fichait comme de son premier biberon, à vrai dire. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’il n’allait pas très bien ; il était assez bizarre et, surtout, très violent. La blondinette ne pouvait pas dire que ça lui faisait peur mais, ça la surprenait. Leur parents ne les avaient jamais apprit à résoudre les problèmes par la violence. Aussi, ce qui chagrinait et mettait Emma en colère c’était le fait que Neal s’en prenne à Abigaïl. Elle ne supportait pas ça. Qu’il casse les meubles ou la tête de la brute du coin, elle ne s’en souciait pas mais, qu’il s’en prenne à celle qui leur avait donné tout l’amour dont elle disposait, ça non ;

Traversant la ville à pas léger, la jeune fille balançait la tête au rythme de la musique qui allait dans ses oreilles frigorifiées : elle savait qu’à peine Neal l’aurait remarqué, il se mettrait en colère mais, ça lui était égal. Il ne l’aimait pas et bien, s’il l’avait décidé ainsi, elle l’accepterait et même si ça la blessait. Enfin, plus ou moins. Descendant les marches de la grand place en chantonnant, la belle serra davantage son I-pod dans ses petites mains et releva la tête : qu’est-ce qu’il faisait froid tout de même. Si Neal était de bonne humeur, elle l’emmènerait peut-être boire un chocolat chaud tiens. Histoire de lui tirer les vers du nez et de savoir ce qui n’allait vraiment pas chez lui. Quelques garçons traînaient autours d’un banc, s’extasiant comme des attardés mentaux sur les derniers exploits de l’équipe de hockey sur glace de la ville d’à côté quand il la virent passer et la suivirent du regard, Emma elle-même n’y prêta pas attention ; ce n’était pas prétentieux de dire qu’elle en avait l’habitude. Elle ne s’en souciait pas à vrai dire et c’était plutôt son entourage qui lui faisait remarquer qu’elle attirait l’attention. Qu’on la regarde ou non, Emma vivait sa vie. Elle savait juste qu’elle était plutôt jolie et, d’après ce qu’on racontait, il n’y avait rien de mal à ça. Soutenant sa marche, la jeune fille arriva, enfin, devant le collège de son frère ;

Emma n’avait pas eu la chance d’étudier dans un collège public. Elle aurait tant aimé, pourtant et sur ce points, elle enviait beaucoup son petit frère. Se mordillant nerveusement la lèvre en ajustant ses écouteurs dans ses oreilles, la blondinette toisa les alentours à l’affût d’un coin tranquille. Elle en repéra un rapidement et alla s’y isoler, s’adossant au mur ; il ne lui restait plus qu’à attendre.

Non mais, l’autre comment il lui causait ! Okay, Emma l’avait cherché mais, s’il avait été malin, il n’aurait même pas rétorqué et d’ailleurs, comme Emma l’était plutôt elle, elle passa outres toute les petites pics débiles de son frangin mal luné parce que franchement, ça ne la touchait même pas. Toutefois, elle étouffa un léger rire quand il proclama qu’elle était aussi abrutie que lui ; décidément, ils n’avaient pas la même notion de le stupidité mais, bref, elle lui laissait le bénéfice du doute. Parce qu’elle s’en fichait, comme de l’an quarante, à vrai dire. Essayant de suivre son frère qui effectuait un seul grand pas alors qu’elle n’en faisait que trois petits, elle le rattrapa et fronça les sourcils quand il refusa, presque, de répondre à sa question. Il voulait se la jouer insociable ? Qu’il ne se plaigne pas qu’elle devienne virulente, dans ce cas. Aussi, elle n’attendit pas plus longtemps pour le remettre à sa place et c’est tout en le fixant mâchouiller son chewing-gum ostensiblement qu’elle lança :

« Vas te faire voir, Neal. » Elle replaça une longue mèche de cheveux derrière son oreille et se mordilla la lèvre tout en fixant la route qui s’étalait devant elle. « T’es même pas capable d’avoir une bonne conversation avec moi ; je m’en fous de ce qu'il t'arrive ou de ce qui pourrait t’arriver. Alors, si tu préfères jouer les solitaires, fais comme-ci on se connaissait pas, si ça peut te faire plaisir ; à ta guise. »

Douchée par les dires de son frère quant à l’éventualité qu’elle pourrait cafter quoi que se soit à Christer et Abigaïl, Emma ne trouva pas d’autre moyen que d’être agressive. Elle ne souhaitait en aucun montrer qu’en réalité, ça la blessait que Neal la considère comme une grosse rapporteuse alors qu’elle était une tombe quand il s’agissait de garder des secrets ; bon sang, pourquoi réagissait-il comme ça ? Emma aimait crier sur tout les toits qu’elle s’en fichait pas mal mais, son côté maternelle la forçait à vouloir comprendre le pourquoi du comment. Seulement, sans l’aide du principal intéressé, elle ne pouvait pas vraiment en savoir davantage. Si seulement elle avait des prédispositions au vol, elle fouillerait dans son portable ou dans son ordinateur toutefois Emma n’était pas aussi curieuse que ça et timbrée pour osée violer l’intimité de son petit frère, au risque de déclencher la Troisième Guerre Mondiale. De ce fait et marchant légèrement en retrait de lui, la blondinette fourra ses mains glacées dans les poches de sa veste banana republic et ne pipa mot : elle ne tenterait pas de le forcer et avouait volontiers que, pour une fois, elle baissait les bras.